Hors-série #1 • Annie Londonderry

Une édition hors série sur une baroudeuse d’exception, une plongée dans la vie d'Annie Londonderry !

Baroude.s
6 min ⋅ 26/01/2023

Dix ans après Thomas Stevens, premier cycliste à accomplir un tour du monde à vélo (1884-1886), Annie Cohen est la première femme à entreprendre une telle aventure.

Elle cherche à prouver au monde qu’une femme seule et indépendante est parfaitement capable d’effectuer un tour du monde à la seule force de ses mollets, tout en subvenant à ses besoins.

Pourtant, Annie n’a rien d’une aventurière intrépide. Issue d’une famille juive lettone immigrée aux États-Unis lorsqu’elle avait 5 ans, mariée et mère de trois enfants, elle est issue des classes populaires des faubourgs de Boston et doit trouver de nombreuses astuces pour financer son périple.

Elle met notamment aux enchères son nom et un encart publicitaire sur sa bicyclette, remportée par une entreprise d’eau minérale, la New Hampshire’s Londonderry Water Company, et deviendra connue du public sous le nom d’Annie Londonderry.

Pendant son voyage, elle gagne sa vie en vendant des photographies dédicacées, en faisant la femme-sandwich pour de grandes marques de bicyclettes, en animant à chaque étape des conférences où, grâce à ses exceptionnels talents de conteuse, elle captive son auditoire en imaginant les milliers de vies et d’aventures qu’elle aurait eu pendant son voyage extraordinaire.

CETTE ÉDITION EST RÉALISÉE EN COLLABORATION AVEC LES ÉDITIONS ARKHÊ

Annie Londonderry s’élance de Boston le 25 juin 1894 pour son tour du monde à bicyclette, vêtue d’une jupe longue victorienne, chemisier corseté, grand nœud papillon et chapeau plat à fleurs, avec pour seul bagage un révolver, quelques vêtements de rechange et un guide cycliste de poche de la League of American Wheelmen.

Elle n’est pas une cycliste expérimentée, excepté deux ou trois leçons quelques jours avant son départ, elle n’est jamais montée sur un vélo de sa vie. Sur sa Columbia de 21 kilos, à pignon fixe et sans dérailleur, elle conquiert chaque kilomètre à la force de ses mollets et de sa volonté.

« Si tant d’hommes y sont arrivés, pourquoi pas moi », se dit-elle alors que se profilent au loin les collines du Connecticut

En six jours, elle arrive à New-York, et met le cap sur Chicago en cet été 1894 caniculaire. Escortée dans la traversée des villes par les membres éminents des clubs de cyclisme locaux, elle doit bivouaquer dans des granges, au bord des routes, finit les journées recouvertes de poussière.
Lorsqu’elle arrive à Chicago, l’automne s’est couvert de gelées nocturnes et il est impossible d’aller plus loin vers l’ouest.

Las, elle rebrousse chemin vers Boston et embarque aussitôt pour Le Havre, pour 14 jours de traversée vers le vieux continent où elle décide de poursuivre son périple. En France, les journaux se sont fait écho des exploits de l’aventurière. Elle traverse la Normandie sous une pluie glaciale et devient l’égérie du Salon du cycle de Paris.

Poursuivant sa route vers la Méditerranée, elle est escortée par une foule croissante et à Marseille, drapeau américain à la main, elle traverse la Canebière sous un immense triomphe. Lors de son départ au port, elle est acclamée par plusieurs milliers de personnes se frayant un chemin pour admirer l’héroïne du moment. Pendant son escale à Ceylan, elle convoque la petite communauté cycliste de l’île pour se dégourdir les jambes autour de Colombo.

À Saigon, elle est invitée à jouer dans une pièce de théâtre, Le Voyage de Suzette, à Hong-Kong, elle se fond dans la masse des nombreux cyclistes qui parcourent la ville. Après une dernière escale à Yokohama, elle arrive en mars 1895 à San Francisco où plus de 4 000 lettres d’admirateurs l’attendent.

Alors qu’il lui reste 6 mois pour traverser les États-Unis d’ouest en est, son objectif est déjà rempli : elle a prouvé au monde qu’une femme pouvait être l’égale d’un homme. Elle termine son voyage à Boston, en septembre 1895, après une grande traversée de l’Amérique des hameaux en bois et des saloons, où elle illumine, à la lueur de la bougie et de ses histoires extraordinaires, les nuits des cow-boys, fermiers, colons et des commis-voyageurs venus l’écouter.

Prendre la route, une histoire du voyage à vélo

Alexandre Schiratti

Sur des routes infernales sorties de la nuit des temps, les premiers cyclistes, ces grands pionniers, pédalent, souffrent et s’émerveillent devant les peuples et les paysages d’un monde nouveau. Un monde qui a aboli les distances et qui a défié l’équilibre grâce aux draisiennes, aux grand-bi ou aux véloces.

Ils voyagent en groupe, refusent la compétition, développent leur propre culture et conçoivent le projet d’une société du progrès, en harmonie avec la nature.

Des escapades de Zola dans la campagne proche de Paris aux voyages clandestins de Simone de Beauvoir et de Jean-Paul Sartre sous l’Occupation, de la draisienne au gravel, ce livre retrace l’histoire de la grande épopée cycliste, celle qui a repoussé les frontières du monde et de l’imaginaire.

Alexandre Schiratti est géographe des transports et de l’environnement. Cycliste intrépide, il parcourt régulièrement les routes de France et d’Europe. Il est également le rédacteur de cette édition hors série.


Vous aimez notre newsletter ? Prolongeons la baroude ensemble !

Baroude.s

Baroude.s

Par Victor B

Les derniers articles publiés